Les 6 attitudes possibles dans un échange : les connaitre, mieux les utiliser

Le psychologue américain Elias Porter (1914-1987) a identifié les 6 attitudes et réactions que nous utilisons tous lors de nos interactions : le conseil, l’évaluation-jugement, l’interprétation, l’investigation, le soutien, la compréhension – reformulation.

Négociation, discussion à la machine à café, entretien annuel, dîner de famille… Quel que soit le contexte, personnel ou professionnel, nous écoutons et réagissons toute la journée aux propos de nos différents interlocuteurs.

Ces attitudes, plus ou moins spontanées et naturelles, ont chacune leurs apports et leurs risques. Les connaître, c’est mieux les repérer et mieux les utiliser au quotidien.

Belinda Fewings /Unsplash

Les apports et risques de chaque attitude

L’attitude de conseil

Je propose une solution au problème :

Il faudrait… tu devrais …, moi à ta place…

Les apports : ouvrir des pistes, encourager à l’action, apporter des idées nouvelles, enrichir le débat, donner le sentiment qu’on sait comment sortir du problème

Les risques : être à côté de la plaque, donner un conseil inadapté ou inadéquat

L’attitude d’évaluation-jugement

Je donne mon avis, je valide ou je désapprouve. Souvent réduite à une attitude négative de critique, elle peut être positive et donc mieux vécue a priori par l’interlocuteur. Elle n’en reste pas moins une évaluation en fonction de l’opinion de celui qui l’émet.

Tu as raison…, tu as tort…, c’est parfait…, ce n’est pas normal que…

Les apports : rappeler les droits et les valeurs communes qui auraient pu être méconnues (ex. l’interdit des violences sexuelles), provoquer une réaction, donner un “coup de pied aux fesses”, valider et encourager quand on est d’accord

Les risques : imposer son point de vue, heurter les valeurs et les opinions de son interlocuteur, décourager, susciter l’agressivité.

L’attitude d’interprétation

Je propose une explication, je cherche le sens caché. Cette attitude passe néanmoins par nos propres perceptions :

C’est parce que …. cela veut dire que…

Les apports : éclairer une situation sous un nouveau jour, ouvrir des perspectives, donner une autre explication, mettre le doigt sur un point important

Les risques : faire dire ce que l’interlocuteur n’a pas dit, donner une explication erronée, jeter de l’huile sur le feu, donner la sensation d’être mis à nu.

L’attitude d’investigation

Je cherche à en savoir plus :

Qu’est-ce qui s’est passé ?… Qu’est-ce que tu lui as répondu ?

Les apports : identifier des informations importantes, creuser le sujet, donner le sentiment de s’intéresser

Les risques : diriger la discussion vers où on veut aller, devenir intrusif ou indiscret.

L’attitude de soutien

Je cherche à consoler, compatir, rassurer :

Mais ça va s’arranger… y a pas de quoi s’inquiéter … tu vas y arriver

Les apports : rassurer, réconforter, donner de l’espoir ou des perspectives, stimuler

Les risques : minimiser la situation, ne pas suffisamment reconnaître la gravité du problème du point de vue de la personne, banaliser, donner l’impression qu’on ne prend pas le discours au sérieux, donner l’impression de se débarrasser du problème.

L’attitude de compréhension-reformulation

Je cherche à comprendre ce que dit /pense/ressent mon interlocuteur. Elle peut consister à reprendre exactement les mots qui ont été dits ou à formuler avec ses propres mots la pensée de son interlocuteur. C’est l’attitude d’écoute active et d’empathie par excellence.

Vous pensez que…, de ton point de vue … tu dis que …

Les apports : permet de valider la situation vécue, aide l’interlocuteur à se sentir compris.

Les risques : répéter comme un perroquet, faire du surplace, donner l’impression de mener une thérapie sauvage…

Ces attitudes ne sont pas a priori bonnes ou mauvaises, tout dépend du contexte, de l’objectif et de la façon dont elles sont utilisées.

En effet, on ne choisira pas entre attitude d’investigation et attitude de soutien de la même façon selon qu’on mène une garde à vue ou un coaching sportif..

Savoir les doser pour mieux les utiliser

En pratique, ces attitudes révèlent sur quoi on est centré lors de l’interaction :

  • centrage sur l’action (conseil)
  • centrage sur les faits (investigation)
  • centrage sur le sens et le pourquoi (interprétation)
  • centrage sur les valeurs, le bien et le mal (évaluation-jugement)
  • centrage sur le bien-être et le positif (soutien)
  • centrage sur la personne (compréhension – reformulation)

Certaines attitudes sont une fin en soi (conseil), d’autres sont plutôt des moyens pour aller vers une autre attitude (investigation puis conseil, évaluation ou interprétation).

Certaines sont risquées à haute dose : évaluation, investigation.

D’autres sont sujettes au hors-piste : interprétation, soutien, conseil.

L’attitude compréhension-reformulation, encouragée par Porter dans un cadre d’accompagnement fondé sur l’empathie, est à la fois la plus prudente et la plus enrichissante car elle permet de faire émerger des prises de conscience et des solutions de la personne elle-même, sans s’imposer.

C’est aussi la moins “spontanée” et parfois elle doit s’apprendre et s’entretenir mais elle devrait être plus souvent privilégiée.

D’autant que la frontière n’est pas forcément évidente à tracer tant il est facile de basculer de l’une à l’autre : par exemple, une reformulation de type “tu dis que ” peut vite tomber dans l’interprétation si on ajoute sa touche personnelle, “ah, en fait ce que tu voulais dire …”.

Comment définir le « bon dosage »?

Plusieurs questions à se poser pour que l’utilisation de ces attitudes soit plus consciente :

  1. Prendre conscience de son “centrage naturel” guidé par ses moteurs personnels :
    • être toujours dans l’action, trouver des solutions, jouer les sauveurs ?
    • donner du sens, apporter la lumière de la connaissance ?
    • faire triompher ses valeurs et opinions, avoir toujours raison ?
    • jouer les justiciers, atteindre la vérité ?
    • soulager les souffrances ?

  1. Identifier le contexte de l’interaction et savoir ce qu’on attend de nous – au besoin, le faire valider :
    • quelle est sa casquette dans l’interaction : conseil, collègue, manager, thérapeute, …?
    • qu’attend-on de nous sur le moment : un autre point de vue, une solution, un discours positif, un encouragement, un avis sincère, une oreille amicale ?
    • en cas de doute, faire valider le rôle attendu : cela permet de s’assurer qu’on n’est pas à côté de la plaque et aussi de se donner la possibilité de refuser le rôle, si on ne s’en sent pas capable.